Mathématiques et bandes dessinées

Les bandes dessinées (BD) en langue française répertoriées ici et qui ont trait aux mathématiques, s’adressent essentiellement aux publics de plus de 8-10 ans. Les mathématiques peuvent y intervenir ponctuellement, ou être – notamment à l’occasion de biographies – le sujet de la publication. Pour les plus jeunes existent néanmoins quelques titres illustrés d’initiation aux premiers concepts, comme Maïa qui aime les chiffres (Romana Romanyshyn, Andriy Lesiv avec Alain Serres, Rue du Monde, 2014) ou les Jeux mathématiques de Mitsumasa Anno (Père Castor Flammarion, 13 tomes à partir de 1990)

C’est au 19e siècle, selon l’historien et conseiller scientifique à la Cité internationale de la BD à Angoulême, Jean-Pierre Mercier, que l’imagerie fait la part à une transmission des savoirs populaires. La première « histoire en images » en langue française, est proposée en 1833 par l’auteur suisse Rudolf Töpffer (1799-1846) : il s’agit de l’Histoire de M. Jabot (imprimerie Édouard Blot et fils aîné, Paris). Les mathématiques apparaissent à la fin de 19e siècle : on en verra des images au musée de l’image à Épinal et dans les musées de la bande dessinée d’Angoulême et de Bruxelles.

Avec le feuilleton de Georges Colomb alias Christophe (1856-1945), le genre prend une autre dimension[1] : Vie et mésaventures du savant Cosinus démarre en 1889 dans Le Petit Français illustré édité en 1900 chez Armand Colin sous le titre L’idée fixe du savant Cosinus. Également l’auteur de La famille Fenouillard et du Sapeur Camember, Christophe se serait inspiré du mathématicien Jacques Hadamard et développe un humour qui ne se démodera pas.

On trouve ultérieurement quelques mathématiques dans les œuvres du dessinateur franco-belge Jacques Devos (1924-1992). Les séries Génial Olivier (1963) et Steve Pops (1966) ont été des feuilletons dans Spirou (1963-1975) avant d’être rassemblées – trois tomes chacune – par les éditions Coffre à BD et Casterman. Également chez les « grands classiques » : Tintin (Hergé, chez Casterman), la Rubrique-à-brac (Marcel Gotlib, Dargaud), Titeuf (Philippe Chappuis, alias Zep, Glénat), Le petit Spirou (Tome et Janry, Glénat), et même le Chat de Philippe Geluck (cf. Les mathématiques du Chat, par Daniel Justens, Delagrave, 2008)…

A partir des années 1980, les éditions Belin ont publié des bandes dessinées centrées sur les mathématiques, celles de Jean-Pierre Petit notamment, dont le personnage principal est Anselme Lanturlu (Le Géométricon, 1980 ; Le Topologicon, 1985…). Ou de Ian Stewart avec ses Chroniques de Rose Polymath (Oh ! Catastrophe, 1982 ; Ah ! Les beaux groupes, 1982 ; les Fractals, 1985).

Ces bandes dessinées sont parfois téléchargeables et certaines d’entre elles ont été adaptées au cinéma sous forme de dessins animés.

Proches du graphisme des BD, les films d’animation se sont multipliés. Ils sont parfois aussi talentueux que les Shadoks, qui ont été édités en feuilletons (France-Soir, Globe) puis réunis dans cinq livres à partir de 1999 (éd. Circonflexe). Les personnages créés par Jacques Rouxel (1931-2004) et René  Borg (1933-2014) sont apparus dans des intermèdes télévisés de l’ORTF dès 1968, parmi lesquels La logique Shadoks, Compter en Shadoks, La géométrie Shadoks, consultables sur YouTube et dans les archives INA.


Les héros américains Homer et Lisa Simpson, à la télévision française à partir de 1990-1991, puis publiés en BD, ont également inspiré des commentaires : Simon Singh, l’auteur du Dernier Théorème de Fermat (JC. Lattès, 1998 en France) et de l’Histoire des codes secrets (JC. Lattès, 1999), a publié Les mathématiques des Simpson en 2015 (JC Lattès).

Enfin, il nous faut citer l’OuBaPo, ou Ouvroir de Bande dessinée Potentielle, fondé en 1992 sur le modèle de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), édité par L’Association (maison consacrée à la bande dessinée, créée en 1990, notamment par Lewis Trondheim). Les auteurs élaborent des ouvrages sous contraintes, mathématiques et artistiques (cf. www.fatrazie.com).

 Ambigramme d’Etienne Lécroart

Chaque année depuis 2012, le site du CNRS Images des mathématiques et  le magazine Tangente (éd. POLE) proposent un concours national nommé Bulles au carré et doté de nombreux prix.

Des BD sur les mathématiques ou les mathématiciens

Certaines d’entre elles, à but pédagogique, sont devenues rares mais consultables dans quelques bibliothèques : ainsi, chez l’éditeur Magnard pour Thalès de Millet, ou Pythagore de Samos (M. Mirault et G. Pradalier, 1983 et 1985). Plus récemment, Les aventures virtuelles de Zia et Léo traitent à nouveau de Thalès de Millet (André et Noémie Ross, Ellipses, 2015). Enfin, Cédric Villani s’associe au dessinateur Edmond Baudoin pour raconter la vie de quatre savants dans Les rêveurs lunaires (Gallimard, 2015). Tandis que Ivar Ekeland propose Le hasard, illustré par Etienne Lécroart dans une récente collection de BD scientifiques aux éditions Le Lombard.

Et aussi, Comics Strips et mangas

 Au cours des années 1970-1980 apparaissent des micro bandes dessinées comportant un maximum de douze vignettes (des strips) dans Charlie Hebdo, Charlie mensuel (jusqu’en 1986), Fluide glacial, Spirou, lesquelles évoquent parfois les mathématiques. Il existe aussi des web strips dans certains blogs de mathématiciens (Dominique Cambresy – Apmep).

Quelques vignettes sont plus pédagogiques, d’autres comme les strips de François Launet (alias Goomi), reprennent sur un mode humoristique le mythe de Cthuloo de l’écrivain américain Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), y faisant intervenir Möbius, Euclide, la géométrie non euclidienne et même la théorie des cordes (Factory Editions, 2013).

Dans les mangas aussi existent des interactions ou des intérêts communs avec les mathématiques. Depuis 2010, la série Liar Game en vingt volumes (Shinobu Kaitani, Delcourt, également en vidéo) fait appel aux mathématiques, à la logique, à la psychologie. Les quinze tomes de Gokusen (Kozueko Morimoto, éd. Kaze Manga, 2014) mettent en scène une jeune enseignante de mathématiques, héritière d’un clan de yakusas.

[1] https://perso.math.univ-toulouse.fr/les-cafes-de-l-imt/files/2015/05/MathsBD_bibliographie.pdf